10 août, 2019

Une stratégie pour un contrôle démocratique d’Internet, des systèmes téléphoniques, des plateformes et des données.

Une facturation élevée. Un service à la clientèle décevant. Une mauvaise couverture de réseaux. Un plafond limité dans l’utilisation des données. Des frais excédentaires très élevés. Un marketing malhonnête. Des contrats déroutants : les Canadiens connaissent bien les dysfonctionnements de leur système de télécommunications, lequel provoque la frustration chez ses utilisateurs.

Les architectes de ce système sont représentés par quelques béhémoths corporatistes qui contrôlent virtuellement toute l’infrastructure des communications dans ce pays. Ces cinq géants, Bell, Rogers, Shaw et Quebecor, ont perfectionné l’art de presser toujours plus de profits d’un marché captif de ces usagers.

En 2017, les « profits » des « cinq géants » du secteur des télécommunications au Canada ont totalisé 7,49 milliards de dollars, alors que leurs marges bénéficiaires ont atteint le niveau impressionnant de 46,2%.

Les cinq géants canadiens refusent de produire du contenu local sans la promesse de généreuses subventions publiques, mais s’enveloppent du drapeau face à la perspective de la concurrence étrangère.

Étant en contrôle des câbles et des tours de signalisation au pays, les « Big Five » excluent les petites entreprises et maintiennent des prix élevés. De ce fait, ils retardent le déploiement de nouvelles technologies et cherchent à saper les protections découlant de la neutralité d’Internet. Ces géants sabrent dans le financement du journalisme local et délocalisent des emplois à l’étranger malgré des profits records. Ils refusent de produire du contenu canadien sans la promesse de généreuses subventions publiques, mais s’enveloppent du drapeau face à la perspective de la concurrence étrangère.

L’Internet haute vitesse et la téléphonie mobile sont des services essentiels au travail et la vie au XXIe siècle. Cependant, la monopolisation de ces services essentiels favorise les divisions rurales-urbaines et riches-pauvres au Canada. Les Canadiens à faible revenu ont du mal à payer pour ces services et sont exclus de façon disproportionnée par le coût croissant de la connectivité. Ceux qui vivent dans des collectivités rurales et éloignées doivent payer plus cher pour un service lent et peu fiable, un phénomène attribuable aux investissements insuffisants dans l’infrastructure.

Il existe des moyens pour assurer l’accès aux communications pour tous. Dans de nombreux pays européens, l’Internet à large bande et le service de téléphonie mobile à prix abordable et même des données mobiles illimitées sont une réalité et ce, grâce à des réglementations plus strictes et à une plus grande concurrence. À Helsinki, l’administration locale a créé un réseau Wi Fi gratuit à l’échelle de la ville, offrant une vitesse plus élevée que dans de nombreuses autres capitales européennes. À Chattanooga et dans d’autres villes américaines, des municipalités ont créé des fournisseurs locaux de services à large bande, offrant une meilleure vitesse à un coût moindre en comparaison aux FSI des entreprises. En Uruguay, ANTEL, de propriété publique, a fait de cette nation sud-américaine un chef de file mondial en matière de fibre à la maison (FTTH) et de connectivité sans fil.

Quelques pistes de solution peuvent être avancées, même dans ce contexte plutôt morose des télécommunications au pays.

Par exemple, en Saskatchewan, SaskTel a prouvé qu’un système de télécommunications publiques peut contribuer à faire baisser les prix et à assurer un meilleur service aux clients vivant dans les zones rurales, sans nuire au trésor public. De cette manière, dans de nombreuses communautés rurales, les municipalités évitent ces corporations et mettent en place leurs propres fournisseurs à large bande.

Nous pouvons construire un réseau national public offrant un service abordable et de qualité pour tous et toutes. Nous pouvons aussi utiliser les bénéfices accumulés jusqu’à maintenant par les actionnaires pour financer la culture et le journalisme locaux, dans l’intérêt public. Enfin, nous pouvons protéger nos données personnelles des regards indiscrets, des agences de renseignement et des sociétés de la Silicon Valley, le tout dans le but d’utiliser le « Big Data » à des fins socialement souhaitables.

Pour ce faire, nous proposons quatre grandes étapes menant à un système de télécommunications socialisé :

LA CRÉATION D’ALTERNATIVES

Établir un fournisseur national public par une approche ascendante

La lutte pour une infrastructure publique, sans fil et à large bande, s’établira à de nombreux niveaux. Cependant, on ne part pas de zéro. Les infrastructures et organisations publiques existantes, telles que les compagnies d’électricité aux niveaux municipal et provincial ainsi que Postes Canada, la SRC et une Banque canadienne de l’infrastructure reconvertie, seront essentielles pour constituer une alternative crédible au monopole des « Big Five ». La lutte à tous les niveaux devrait porter sur une revendication commune : un système de télécommunications fédéré, géré sur un modèle coopératif et entre les mains du public. [Passer à cette sectio – version anglaise]

BRISER L’EMPRISE DES MONOPOLES

Utiliser les pouvoirs législatifs et réglementaires pour augmenter la qualité des services, mettre fin aux pratiques monopolistiques et réduire les prix.

Au nom du marché et de son libre-arbitre, nos corps législatifs et réglementaires, complaisants des lobbys de l’industrie des télécommunications, ont permis aux firmes dominantes de construire des empires extrêmement rentables, bafouant au passage toute notion du service public.

En renforçant les réglementations existantes et en en créant de nouvelles, on peut donner l’accès aux infrastructures nécessaires pour permettre le développement rapide des fournisseurs de services publics. Cela se fera par le basculement du statu quo actuel, en priorisant le bien commun et en brisant ces monolithes intégrés verticalement.

Par l’application de réglementations existantes d’une part et par la création de nouvelles réglementations d’autre part, nous pouvons faire basculer le statu quo, faire avancer le bien commun, briser ces monolithes intégrés verticalement et donner aux fournisseurs de services publics l’accès aux infrastructures dont ils ont besoin pour se développer rapidement. [Passer à cette section – version anglaise]

REPRENDRE LE CONTRÔLE

Nationaliser les compagnies de téléphone et mettre en place un contrôle fédéré coopératif dans l’intérêt public.

Des années de privatisation et de déréglementation ont permis la construction d’un système de télécommunication coûteux, inefficace et bureaucratisé.

La finalité de notre programme doit être de se constituer d’un réseau national intégré sous contrôle démocratique, ce qui est impossible si nous permettons au présent système corporatif de fiefs rivaux et balkanisé de perdurer.

Promouvoir des alternatives est une bonne chose, mais cette stratégie risque à elle seule de laisser les parties les plus rentables du réseau aux sociétés de télécommunications dominantes, tandis que les fournisseurs publics desserviront les zones plus coûteuses. En réallouant les profits, nous pouvons assurer un accès équitable aux utilisateurs isolés et à faible revenu, investir dans l’amélioration des services et financer la production de la culture et le journalisme par et pour la communauté. [Passer à cette section – version anglaise]

SAISIR L’AVENIR

Débuter la construction d’un système de données ouvert et en récupérer les plateformes.

L’accès aux données est rapidement devenu l’un des principaux moteurs économiques du 21ème siècle. Au-delà de la confidentialité et du contrôle des données, nous devons créer des alternatives démocratiques au contrôle corporatif des entreprises. Si les données représentent l’avenir, nous devrions en contrôler l’accès, garantir leur confidentialité et, en bout de compte, les utiliser pour améliorer la prestation de services publics et renforcer le contrôle démocratique de l’économie au lieu de vendre la manipulation comportementale à grande échelle et au plus offrant. En bref, ces plateformes devraient être gérées comme un bien commun et le pouvoir des télécommunications publiques devrait être utilisé pour détourner les médias sociaux et les plateformes collaboratives des corporations pour les diriger vers un système de normes ouvertes et de services fédérés qui ont défini l’identité d’Internet en premier lieu. [Passer à cette section – version anglaise]